Hommage à Serge Aubert (1966-2015)
La disparition brutale de Serge Aubert, professeur à l’Université J. Fourier, directeur de la Station Alpine J. Fourier et membre du laboratoire d’Ecologie Alpine, a profondément bouleversé l’ensemble de ses collègues. L’Université J. Fourier perd un brillant universitaire. Beaucoup d’entre nous perdent également un ami, un compagnon de route aux côtés duquel il était si enrichissant de se trouver. Serge avait su mettre ses compétences de chercheur et de passeur de savoirs, mais également sa force de conviction et d’entrainement, au service du développement du site du col du Lautaret. Cet engagement de tous les instants pour le jardin botanique alpin et pour la plateforme de recherche qui lui est associée restera gravé dans les mémoires. Lui qui avait une connaissance si intime de l’histoire de ce site, son nom et son action font désormais partie de cette histoire.
Serge Aubert est né le 29 août 1966 à Gap. Un parcours scolaire d’exception le conduit du lycée Dominique Villars de Gap, du nom d’un célèbre botaniste dauphinois, à la rue d’Ulm (promotion 1986). L’agrégation de Sciences Naturelles en poche, il se rapproche de ces montagnes du Dauphiné qu’il chérissait tant, conduit une thèse au Laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale du CEA-Grenoble encadré par ses deux mentors, Roland Douce et Richard Bligny, puis est nommé maître de conférences à l’UJF en 1996. Ce parcours académique sans faute et la voie trop bien tracée qui s’ouvre alors à lui ne le satisfont pas complètement. Voyageur infatigable, naturaliste hors pair, fin connaisseur de la végétation alpine des montagnes du monde, il a déjà le regard tourné ailleurs.
A la fin des années 1990, la situation du jardin botanique alpin du Lautaret est particulièrement critique. Parmi les quelques personnes ne pouvant se résoudre à voir cette institution centenaire, qui plus est joyau du département des Hautes-Alpes, sortir du giron universitaire, Serge Aubert s’imposera comme l’un des plus combatifs. C’est assurément un tournant dans son parcours professionnel mais aussi personnel. Au cours des 15 années qui suivent, il n’aura de cesse de mettre toute son énergie et ses compétences au service du développement de ce site, pour la communauté académique mais aussi pour le grand public. C’est très largement grâce à lui que ce lieu retrouvera, dans le courant des années 2000, la vocation que lui avaient donnée ses pères fondateurs : celle d’un lieu d’exception mêlant intelligemment activités de recherche, de formation et de diffusion des savoirs sur la biologie et l’écologie alpine. Tous ces efforts débouchent sur la création en 2005 de l’unité mixte de service Station Alpine J. Fourier (UMS UJF-CNRS), unité dont Serge Aubert assurera la direction sans interruption. Les très nombreux et ambitieux projets portés par l’UMS, dont la Galerie de l’Alpe en cours de construction, son rayonnement national et international témoignent du formidable essor de cette structure sous la direction de Serge Aubert.
Quand bien même cette direction l’occupait à plein temps, Serge Aubert a toujours su maintenir une activité de recherche. Sa formation initiale en physiologie cellulaire végétale est consacrée par une thèse sur le métabolisme de la cellule végétale non chlorophyllienne. Peu à peu, ses travaux s’orientent vers l’écophysiologie du stress avec les plantes alpines pour modèle d’étude. En collaboration avec Peter Streb et Richard Bligny, il décortique les mécanismes biochimiques par lesquels les plantes d’altitude tolèrent le stress oxydatif engendré par la combinaison des basses températures et des fortes lumières. Avec son arrivée au laboratoire d’écologie alpine en 2003, il devient un référent pour sa connaissance des flores d’altitude et, dans ce cadre, collabore à de nombreux programmes de recherche portant sur la diversité fonctionnelle des plantes alpines. Plus récemment, il s’était impliqué dans de vastes projets portant sur la biogéographie des plantes d’altitude, en particulier sur les plantes dites en coussin dont il était devenu le spécialiste incontesté, mais également sur la végétation des paramos andins. A travers ce parcours, il était l’un des rares chercheurs à pouvoir embrasser d’un même regard éclairé les multiples facettes de la biologie et de l’évolution des plantes d’altitude.
Serge Aubert était un passionné qui s’est donné sans compter. Erudit, brillant pédagogue, il a porté très haut les valeurs universitaires, à l’égal de ces savants humanistes qui avaient fondé l’école de botanique de Grenoble et ses jardins alpins il y a plus d’un siècle, ces grands professeurs dont il connaissait si bien la biographie et dont il s’est montré le digne successeur.
Le LECA adresse à sa famille et à tous ses proches ses plus sincères condoléances.
Lien vers les témoignages de ses collègues :